mardi 13 mars 2007

Rats des villes et rat des champs transgéniques

D'après un article publié dans une revue de toxicologie (dont Le Monde rend compte aujourd'hui
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-882385@51-852781,0.html ), il semblerait que le maïs transgénique de la firme Monsanto qui produit une substance qui tue un parasite du maïs (la pyrale) soit toxique pour le foie et pour les reins, ou en tout cas change certains paramètres de fonctionnement de ces organes, ce qui aboutit notamment à des changements dans la composition des urines. Le tout a été fait chez le rat.
L'originalité de cette étude est que les expérimentations et les chiffres bruts proviennent d'expériences de la firme Monsanto elle-même, classés secrets (pourquoi d'ailleurs ?), mais que Greenpeace a pu obtenir à la suite d'un procès en Allemagne. Les "chercheurs" de la firme, sans doute confortablement rémunérés par Monsanto, avaient conclu à l'inocuité du maïs (Dans la série "on ne trouve que ce qu'on cherche"). Ils avaient bien vu des effets sur le foie, mais comme "les effets étaient différents chez les mâles et chez les femelles alors ce ne devait pas être bien grave" : un raisonnement très pertinent effectivement...
Le coeur de la contradiction entre les "Monsanto" et le labo français à qui Greenpeace a demandé de retraiter les données concerne la variabilité. Le labo français s'est concentré sur les différences observées après ingestion d'un maïs transgénique (chez des rats) et des ingestions d'un maïs de la même souche, mais non transgénique. Monsanto a plutot insisté sur la comparaison avec d'autres souches de maïs et montré que la variabilité des paramètres entre maïs transgénique et non transgénique est du même ordre que celle entre des maïs de différentes souches et donc qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. C'est un peu comme si vous mangiez un coup du maïs mexicain et un autre coup un maïs péruvien. Effectivement, les rats ne semblent pas mourir en masse en mangeant du maïs Monsanto et les millions d'Américains qui consomment ce maïs sont toujours à peu près vivants. Néanmoins, il faudrait s'interroger sur le fait qu'en ajoutant un seul gène dans un maïs, on fait varier d'autant des paramètres physiologiques qu'en changeant de souche qui diffère sans doute sur de multiples allèles. C'est que le gène introduit n'est pas si anodin que cela et cela mérite apporfondissement, ce que les Monsanto's boys and girls se sont bien garder de faire, après tout le but de leur "recherche" est de trouver des arguments a minima pour convaincre la population qu'ils ne vont pas mourir tout de suite après avoir bouffer leur pop corn. Qu'ils meurent dix ans ou vingt ans plus tard, ils n'en ont rien à faire; ça ne se verra pas trop ou en tout cas pas tout de suite (et puis d'ici là on aura suffisamment accumuler de dividendes pour qu'une partie serve à indemniser les victimes si d'aventure on en arrive à un procès...).
Ce joyeux épisode montre la nécessité de mettre en place un organisme indépendant de tout financement privé (donc 100% public) qui fasse des recherches en toute transparence sur les nouveaux produits et technologies avant mise sur le marché. Le problème se pose pour les OGM ou pour les téléphones portables (antennes et combiné) et aussi pour les nanotechnologies. On ne peut pas faire confiance aux études menées par des "chercheurs" payés par les firmes car ces dernières se retrouvent être juge et partie (autre scandale récent : la commission sur les antennes de portable avec des gens payés par les opérateurs de téléphonie mobile dedans). Il faut que les études soient menées par des gens qui gagneront à la fin du mois la même somme et qui auront la même carrière si ils disent que le produit X est OK ou toxique, sinon le jeu est biaisé, la nature humaine étant ce qu'elle est. C'est la seule manière finalement de remettre de la confiance entre la population, la technologie et le progrès, car ces derniers ont été tellement privatisés et associés à des mensonges ("mais non la cigarette ne peut pas provoquer de cancer") que le grand public est devenu, à juste titre, très méfiant. Aucune nouvelle technologie n'est sans risque, or nous en avons besoin pour régler nos problèmes. Mais il faut avoir une vision claire des couts et des bénéfices.

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