samedi 20 septembre 2008

Collapse

Je viens de lire l'un des essais les plus intéressants parus ces dernières années : "Collapse" (soit "Effondrement") de Jared Diamond. C'est assez inclassable, étant un subtil mélange d'archéologie scientifique, d'histoire, de géographie et de sociologie. Il s'agit de trouver les différents facteurs qui permettent d'expliquer l'effondrement et la disparition de civilisations. Parmi ces facteurs, les facteurs environnementaux sont assez souvent présents et quelquefois déterminants (de notables exceptions sont par exemple l'effondrement de l'Empire Romain (d'Occident puis d'Orient) ou la destruction de Carthage (purement militaire)).
Les principaux exemples détaillés de civilisations qui se sont autodétruites sont la civilisation de l'Ile de Paques, les Anasazis (un ensemble de tribus sur le territoire actuel du sud-ouest des USA), les Mayas, les Vikings au Groenland. Très souvent, l'effondrement a suivi de quelques dizaines d'années seulement l'apogée de la civilisation notamment sur l'Ile de Paques et les Mayas et donc l'effondrement peut être qualifié de brutal même si les mécanismes étaient à l'ouvre depuis longtemps (déforestation et surexploitation agricole créant l'érosion des sols notamment...). Diamond traite aussi de cas de quasi-effondrement de société comme le Rwanda au moment du génocide de 1994 dont un des facteurs est la surpopulation et le manque de terres agricoles : de nombreux membres de la population civile ont massacré leurs voisins (sous le prétexte idiot qu'ils ne sont pas de la même ethnie) surtout pour récupérer leurs terres pour survivre.
Diamond traite aussi de quelques succès : des civilisations qui ont survécu des siècles malgré des conditions géographiques difficiles comme par exemple les Islandais et les Japonais. Le chapitre le plus intéressant concerne les tentatives d'explication des comportements suicidaires des civilisations, c'est-à-dire comprendre ce qui se passe dans la tête des habitants de l'ile de Paques qui abattent le dernier arbre de l'ile. Ignorance, déni de réalité, aveuglement, égoïsme ("de toute manière quelqu'un mangera le dernier thon rouge pêché en Méditerrannée alors autant que cela soit moi"), incapacité à s'adapter (typiquement les Vikings du Groenland arque-bouté sur leurs traditions et incapables d'adopter les usages des Inuits, pourtant voisins, qui seront méprisés par les Vikings mais qui leur survivront). Diamond souligne que les castes les plus riches de ces civilisations n'ont gagné que le droit de mourir de faim en dernier.
Le dernier chapitre pointe évidemment le fait que la quasi-totalité des facteurs qui ont de multiples fois abouti à l'effondrement localisé de civilisations sont actuellement à l'oeuvre, mais à l'échelle mondiale.

jeudi 11 septembre 2008

La dissémination de Spore

Le jeu vidéo "Spore", attendu depuis des années et dont j'avais déja parlé ici , est sorti. Je l'ai acheté et joué jusqu'à la phase "civilisation" (en gros les 3/4 du jeu). J'en suis très content mais pas pour les raisons que j'attendais. En fait, l'aspect "évolution" du jeu est assez limité et les changements réalisés sur les créatures au fur et à mesure que l'on accumule des points ADN sont quelquefois purement esthétiques et n'ont quelquefois pas d'incidences majeures (l'auteur du jeu serait-il acquis à la théorie neutraliste de l'évolution ???). Néanmoins, quelques aspects peuvent être importants par exemple le développement du vol qui, pour ma petite créature herbivore, a permis d'accéder aux fruits perchés sur les arbres et non plus seulement les fruits dans les buissons ou les fruits tombés. Néanmoins, la réalisme du jeu retombe quand, pour gagner des points ADN, ma créature doit affronter d'autres créatures et les tuer. J'ai essayé de manger mes victimes mais ma créature herbivore a vomi (les développeurs ont pensé à tout...). On peut aussi gagner des points ADN en impressionnant d'autres espèces par diverses aptitudes (charme, danse...). Et c'est là où le jeu excelle, c'est qu'il est vraiment drôle. L'animation des créatures est très réussie, avec pleins de mimiques comiques. Ca ne se prend pas du tout au sérieux et on passe un bon moment. Par contre, une fois l'effet de surprise passé je ne suis pas sur que ce jeu marche sur le long terme. J'ai déja joué au bas mot une dizaine de fois à "Civilization IV" ou à "SimCity III" ou à "Railroad Tycoon II" sans me lasser, mais je ne pense pas que ce sera le cas pour ce jeu. Spore patit d'un défaut qui a tendance à se généraliser dans les jeux de stratégie trop grand public : l'absence de profondeur et de complexité qui limite l'intérêt sur le long terme.
J'ai mis en ligne une vidéo de ma créature, Sabraptor plaensis sur ce lien que j'ai dessiné comme un Insecte avec des mains préhensiles et des avant-bras munies de pointes défensives en forme de sabre (défense mécanique) et de glandes projetant du venin (défense chimique).
En lien également, un article d'Agoravox sur le jeu.

samedi 6 septembre 2008

De l'obésité chez les copépodes



Les copépodes sont des Crustacés (et vraiment des Crustacés - voir plus bas le post sur la classification des espèces revue chez le Figaro) qui sont essentiels dans les chaines alimentaires marines. De la taille de l'ordre du millimètre, ils appartiennent au zooplancton. Certaines espèces ont souvent des grandes expansions qui leur permettent de "nager" bien que leurs mouvements horizontaux soient largement déterminés par les courants. Par contre, leurs mouvements verticaux sont actifs : ils remontent à la surface le soir et se nourrissent du phytoplancton (le plancton dont la source d'énergie est la lumière) qui se masse juste la surface de l'eau le soir et profite des derniers rayons de soleil pour faire marcher leur photosynthèse. Ils redescendent plus profondément le jour ce qui leur permet à la fois de suivre le phytoplancton qui s'éloigne de la surface (trop de lumière) et d'échapper aux prédateurs (petits poissons...) qui les repéreraient trop facilement à la lumière. En hiver, les copépodes du genre Calanus descendent à de grandes profondeurs (entre 800 et 1500 m) pour entrer en diapause (une sorte d'hibernation). Le contrôle de la profondeur des copépodes ne se fait pas que par la nage mais aussi par la quantité de lipides dans le corps. En effet, les lipides sont moins denses que l'eau et donc plus il y a de lipides, moins il y a de densité, plus il y a de flottaison.
Or des chercheurs norvégiens ont découvert que les Calanus qui avaient trop mangé ont trop de goutellettes lipidiques et ne peuvent plus contrôler correctement leur profondeur. Ils ne peuvent plus redescendre à des profondeurs importantes et sont mangés par les prédateurs (qui au passage profitent des lipides en excès). C'est donc sans doute l'explication derrière le fait que certains Calanus entrent en diapause AVANT la fin de la période où la nourriture est abondante. La sélection naturelle dans ce cas a tendance à éliminer les Calanus trop gourmands qui se goinfrent jusqu'au bout et deviennent obèses et se font manger faute de descendre à des niveaux en sécurité.