mardi 27 février 2007

And the winner is...

Alors que la cérémonie des Oscars a eu lieu à Hollywood, intéressons-nous à la protéine Oskar de la Drosophile qui fait l'objet d'un intéressant article dans le dernier Current Biology. J'avoue que je ne sais pas pourquoi cette protéine à ce nom...souvent chez la Drosophile on nomme les gènes et les protéines correspondantes d'après l'aspect des embryons, des larves ou des adultes mutants : ce qui donne les gènes "gurken" (c'est à dire concombre en allemand), "dishevelled" (désordonné en anglais), "hedgehog" (hérisson dont l'un des homologues chez les Vertébrés est devenu Sonic Hedgehog d'après le nom du personnage de jeu vidéo en vogue à l'époque (fin des années 80), "hunchback" (bossu), "twist" (torsion, tordu), "aubergine"...etc..
Oskar est très importante car l'ARN messager qui sert à la fabrication de cette protéine est localisé dans une région de l'ovocyte qui correspond à la future région postérieure de l'embryon, là notamment où vont prendre naissance les cellules germinales. Si Oskar n'est pas localisé correctement à ce pole postérieur, l'embryon est désorganisé. Qu'est-ce qui permet de localiser l'ARN messager d'Oskar dans l'ovocyte ? Un réseau de rails cellulaires, les microtubules, qui ont la particularité d'être des rails orientés avec un bout dit "+" et un bout dit "-". Dans l'ovocyte de Drosophile tous les bouts "+" des microtubules pointent vers la future région postérieure, justement là où Oskar doit s'accumuler. L'ARNm d'Oskar parcourt ces rails grâce à une locomotive, la kinésine, qui ne peut voyager qu'en direction du bout "+" (il existe une autre locomotive pour aller vers les bouts "-" c'est la dynéine; mais Oskar ne peut interagir pas avec elle d'où son accumulation vers la région "+"). L'article de Current Biology montre que c'est plus compliqué. En fait l'orientation des rails microtubulaires est maintenu par Oskar !! C'est un peu comme si les wagons maintenaient les rails en place. Un peu de l'ARNmessager d'Oskar est traduit en protéine dans la région postérieure et stabilise les poles "+" des microtubules permettant ainsi à leur petits copains ARNm Oskar de venir plus efficacement et plus rapidement à destination. Il s'ensuit une boucle de régulation positive, plus il y a d'Oskar plus il y a de bouts positifs ce qui amène encore plus d'Oskar. Toutes mes félicitations aux heureux gagnants !!

mercredi 21 février 2007

Sarkoland et la banlieue

Allez voir sur le toujours excellent Blog "Paris est sa banlieue" cet article :

http://parisbanlieue.blog.lemonde.fr/2007/02/19/on-va-transformer-notre-quartier-en-banlieue-ou-quand-auteuil-donne-le-ton-a-la-mixite-sociale/

Ghetto de riches contre ghettos de pauvres : la fracture sociale se traduit désormais en fracture territoriale. La population française se fractionne en clans, en tribus, en chapelles. Ce n'est pas tant la diversité qui est le problème mais l'enfermement. C'est comme si dans une famille chacun s'enferme dans sa pièce. Ca commence à sentir le moisi. Et ce n'est pas Nicolas S. qui va aérer tout ça...

mardi 20 février 2007

Le coureur sur la lame


Je viens de (re)voir le film "Blade Runner" de Ridley Scott sorti en 1982. Je mets le "re" entre parenthèses car je l'avais vu quand j'avais 16 ou 17 ans et j'avais été déçu par l'histoire. Maintenant, je sais apprécier un film en dehors de la simple "histoire". Elle est néanmoins basique : des "replicants" (des robots humanoïdes presque parfaits - tout est dans le "presque") se rebellent, s'échappent et essaient de contrôler leur destin dans le Los Angeles de 2019. Un ex-flic (Harrisson Ford, anti-héros à mille années-lumières d'Indiana Jones et de Han Solo) est chargé de les éliminer. Mais le génie se cache dans les mille et un détails, les petites phrases (le fameux "All will vanish like tears in the rain"). L'essentiel de l'attrait du film tient dans l'atmosphère, la cinématographie (lumières, cadrage, couleurs), la musique (de Vangelis, toujours très prenante malgré le gros son synthé qui tâche des années 80). C'est très esthétique punk-apocalyptique mais touché par des moments de grâce et de poésie. Même les scènes de tuerie sont belles (le robot-femme qui se prend trois balles dans le dos en courant et en traversant des vitrines). La version "Director's cut" prête volontairement à diverses interprétations du film ce qui renforce son intérêt. Seul ombre au tableau : je me demande si ce film n'est pas un exemple de publicité sauvage : plusieurs des gigantesques néons qui ornent les murs de la ville vantent une célèbre marque de soda brun foncé, d'autres néons montrent les initiales d'une marque d'appareils électroniques. C'est peut-être fait pour être réaliste...Mais la production a-t'elle été payée par ses marques bien visibles pour apparaitre aussi clairement à l'écran ?

samedi 17 février 2007

Un sujet épicé


Petit article intéressant dans le dernier "Science" (16 Février 2007) sur l'origine du piment (Capsicum sp.). Ce légume-épice que l'on associe très souvent à la cuisine orientale prend son origine à l'autre bout de la planète puisqu'il est originaire d'Amérique du Sud. Ainsi, la mal nommée Capsicum chinense (l'une des cinq espèces cultivées) vient d'Amazonie. Les auteurs (Perry et al.) ont montré en effet que le piment est cultivé et utilisé depuis 6000 ans en Amérique. Ils ont retrouvé des graines de cette plante dans des poteries de cuisine archéologiques (quelquefois associé à du manioc et du maïs) dans les Andes, au Vénézuela et dans les Caraïbes. Ces graines appartiennent à des espèces domestiquées actuelles et non pas à des espèces sauvages proches, ce qui montre une véritable culture (avec une sélection génétique artificelle) et non pas une simple cueillette. La renommée mondiale du piment est issue de la découverte de l'Amérique et de la première vague de "mondialisation" qui a suivi. Elle appartient à la famille des Solanacées et ses proches parents (tomate et patate) ont connu le même destin.

Le piment doit son gout inimitable à la capsaicine, une amide à longue chaine carbonée, qui lui permet de dissuader les prédateurs. C'était sans compter avec l'homme, qui au contraire recherche la capsaicine !! Les dessins animés nous donnent une fausse idée : ça ne sert à rien de se jeter sur la première lance à incendie pour éteindre les flammes liés au piment vu que la capsaicine est notoirement hydrophobe. Mieux vaut boire du lait.

lundi 12 février 2007

La revanche d'Eole


Un article d'actualité dans le dernier Science sur les éoliennes. L'énergie éolienne est un véritable cadeau pour le développement durable, mais ce cadeau est peut être empoisonné. En effet le vent étant très "volatil", on ne peut pas compter sur lui en permanence et donc théoriquement pour chaque kWh produit par une éolienne, il faut prévoir un autre mode de production qui permet de pallier l'absence de vent. Or ce mode de production ne peut être qu'une centrale au charbon ou au gaz (et donc générateur de beaucoup de gaz à effet de serre) car il faut une réactivité temporelle assez forte ce que ne permettent pas les centrales nucléaires. Pour vraiment miser sur l'éolien, il faut changer d'échelle et passer à l'échelle continentale. Une société irlandaise (Airtricity) se propose de mettre en place (progressivement) un véritable réseau d'éoliennes off-shore (en mer, là où les vents soufflent plus régulièrement; l'électricité est ramenée au continent par des cables) de la mer Baltique à la Méditerrannée en passant par la Manche et l'Atlantique. Des études montrent que la dynamique des anticyclones et des dépressions fait en sorte que la production d'électricité serait relativement constante sur une grande partie de l'année ou en tout cas ne descendrait jamais en dessous d'un certain niveau. En effet, à cette échelle, il y aura toujours une région ventée pour compenser une région avec mer d'huile et calme plat. Le tout pourrait produire 10 GWatts soit la consommation de 8 millions de foyers soit plus que l'Ile de France, Marseille et Lyon réunis. Il y aurait plus de 2000 turbines géantes. Voila le genre de projet auquel l'Europe doit donner un coup de pouce, ce qui suppose que l'Europe ait une politique énergétique commune. Ca va être très cher à mettre en place mais il arrivera un moment où l'énergie sera tellement cher économiquement et en qualité de vie qu'on ne se posera même plus la question...Alors commençons dès maintenant...

jeudi 8 février 2007

Welcome to the Carribeans !


J'aime bien regarder de temps en temps un bon film hollywoodien du style de ceux qui laissent du temps de cerveau disponible..."Pirates des Caraïbes 1 et 2" font parti du lot et j'aime plutot cette "série". D'abord, il y a Johnny Depp que j'adore (phénoménal dans "Arizona dream" de Kusturica, superbe dans la "Neuvième porte" de Polanski, magique dans les divers Tim Burton "Sleepy Hollow", "Charlie et la chocolaterie" et surtout "Edward aux mains d'argent"). Orlando Bloom est pas mal non plus malgré son jeu un peu binaire mais il est vraiment beau et il a une belle voix. Ces deux films ne se prennent pas au sérieux, il y a vraiment quelques bons gags, l'histoire est bien ficelée, les effets spéciaux dépassent la moyenne habituelle (merci ILM et George Lucas) et c'est visuellement plaisant à regarder (le coup des yeux peints sur les paupières de Jack Sparrow quand il est le "Dieu" des cannibales est assez saississant).

Le plus intéressant dans le DVD du 2ème épisode que je viens d'acheter (mais que je revendrai ensuite) c'est les bonus et notamment le documentaire sur le tournage. D'habitude ce genre de doc tient plus du clip promo et on y apprend que peu de choses intéressantes. Ici, il y a exception.

Le tournage a été épique. D'abord il n'y avait pas vraiment de script au départ (les scénaristes justifiant que si on donne le scénario à la dernière minute, les studios seront moins à même d'y faire des modifications). Tout s'est fait un peu au fil de la plume ou plutot de la caméra. Je trouve que paradoxalement ça a stimulé l'inventivité de l'histoire qui est étonnamment complexe et originale pour un pop-corn movie. Ensuite, le budget annoncé était trop élevé pour Disney qui produit le film. Tout a failli être annulé (quand on sait que c'est devenu le 3ème film au box office derrière Titanic et Le Retour du Roi, on voit que les actionnaires de Disney auraient été mal inspirés de tout faire couler (sans jeux de mots). Puis pour tourner certaines scènes-clés (la plage où on découvre le coffre contenant le coeur de Davy Jones) le réalisateur n'a rien trouvé de mieux qu'une ile qui est recouverte à marée haute. Il a donc fallu débarquer puis rembarquer et stocker tout le matériel sur des barges à chaque marée. Enfin, le tournage a pris du retard à cause de défauts de construction des bassins où filmer les bateaux. Du coup, ils se sont retouvés en pleine saison des cyclones qui a été (en 2005) la plus forte saison cyclonique dans les Caraïbes depuis des décennies. Les décors et les bateaux ont été endommagés et il a fallu tout reconstruire. Au final tous ces efforts ont valu la peine...

Le "3" sort cet été. Signalons la sortie cet été du 5ème film Harry Potter et du 7ème et dernier livre. Egalement l'adaptation au cinéma d'"A la Croisée des mondes" de Pullmann (trilogie très originale philosophico-mystico-fantaisy) et pour Noël le deuxième Narnia. Finalement, je ne sais pas si il me restera autant de temps de cerveau disponible...

vendredi 2 février 2007

La protéine à tout faire

Il y a certaines protéines que l'on n'arrête pas de rencontrer en biologie cellulaire...Si souvent qu'on n'a l'impression qu'elles interagissent avec presque toutes les autres protéines de la cellule. Beta-caténine est un exemple-type. Est-ce un biais lié au fait que les outils pour étudier cette protéine sont nombreux, qu'elle est impliquée dans le cancer et dans une voie de signalisation fondamentale en Biologie du développement et donc que la capacité de cette protéine à faire venir de l'argent dans les labos est grande et donc elle est très étudiée...Il y a une boucle de rétroaction positive ici en place : plus on va étudier une protéine, plus on va lui trouver de rôles et de partenaires moléculaires intéressants, plus on va lui trouver de rôles dans des maladies, plus on va facilement publier dans de bons journaux avec elle et avoir plein de sous, plus on va l'étudier...etc...Je ne nie pas le fait que certaines protéines ont réellement des rôles plus étendus et plus "importants" (notion très subjective par ailleurs) que d'autres, que certaines sont des plaques tournantes de plusieurs voies de signalisation, des sortes d'intégrateur-coordonateur du vivant, mais il y a surement une part d'"effet de mode".
La dernière interaction en date avec beta-caténine concerne celle avec le facteur de transcription HIF1alpha (Kaidy et al, Nature Cell Biology, 9, 210 (2007)). Beta-caténine est impliqué de manière causale dans les cancers du colon. Mais lors de la croissance des tumeurs, le coeur de la tumeur est mal vascularisé et les cellules souffrent d'hypoxie (manque d'oxygène). Cette hypoxie induit l'expression du facteur de transcription HIF1alpha dont les cibles permettent de s'adapter à cette hypoxie (plus de glucose rentrant dans la cellule et de glycolyse) et de la compenser (induction de nouveaux vaisseaux sanguins via VEGF). HIF1alpha va interagir avec beta-caténine et l'empêcher d'aller activer la prolifération des cellules de la région hypoxique (c'est pas la peine de faire plus de cellules si déja il n'y a pas d'oxygène pour tout le monde). Mais ce nouveau complexe va faire mieux fonctionner HIFalpha et donc accélérer la mise en place des mécanismes de compensation de l'hypoxie. Lorsque le taux d'oxygène revient à la normale (grâce à l'arrivée de nouveaux vaisseaux sanguins), il y a moins de HIF1alpha et béta-caténine peut aller retrouver son partenaire habituel (TCF4) et faire proliférer les cellules tumorales à nouveau. C'est beau mais dommage que ce soit si efficace pour faire grossir des tumeurs !!