vendredi 2 février 2007

La protéine à tout faire

Il y a certaines protéines que l'on n'arrête pas de rencontrer en biologie cellulaire...Si souvent qu'on n'a l'impression qu'elles interagissent avec presque toutes les autres protéines de la cellule. Beta-caténine est un exemple-type. Est-ce un biais lié au fait que les outils pour étudier cette protéine sont nombreux, qu'elle est impliquée dans le cancer et dans une voie de signalisation fondamentale en Biologie du développement et donc que la capacité de cette protéine à faire venir de l'argent dans les labos est grande et donc elle est très étudiée...Il y a une boucle de rétroaction positive ici en place : plus on va étudier une protéine, plus on va lui trouver de rôles et de partenaires moléculaires intéressants, plus on va lui trouver de rôles dans des maladies, plus on va facilement publier dans de bons journaux avec elle et avoir plein de sous, plus on va l'étudier...etc...Je ne nie pas le fait que certaines protéines ont réellement des rôles plus étendus et plus "importants" (notion très subjective par ailleurs) que d'autres, que certaines sont des plaques tournantes de plusieurs voies de signalisation, des sortes d'intégrateur-coordonateur du vivant, mais il y a surement une part d'"effet de mode".
La dernière interaction en date avec beta-caténine concerne celle avec le facteur de transcription HIF1alpha (Kaidy et al, Nature Cell Biology, 9, 210 (2007)). Beta-caténine est impliqué de manière causale dans les cancers du colon. Mais lors de la croissance des tumeurs, le coeur de la tumeur est mal vascularisé et les cellules souffrent d'hypoxie (manque d'oxygène). Cette hypoxie induit l'expression du facteur de transcription HIF1alpha dont les cibles permettent de s'adapter à cette hypoxie (plus de glucose rentrant dans la cellule et de glycolyse) et de la compenser (induction de nouveaux vaisseaux sanguins via VEGF). HIF1alpha va interagir avec beta-caténine et l'empêcher d'aller activer la prolifération des cellules de la région hypoxique (c'est pas la peine de faire plus de cellules si déja il n'y a pas d'oxygène pour tout le monde). Mais ce nouveau complexe va faire mieux fonctionner HIFalpha et donc accélérer la mise en place des mécanismes de compensation de l'hypoxie. Lorsque le taux d'oxygène revient à la normale (grâce à l'arrivée de nouveaux vaisseaux sanguins), il y a moins de HIF1alpha et béta-caténine peut aller retrouver son partenaire habituel (TCF4) et faire proliférer les cellules tumorales à nouveau. C'est beau mais dommage que ce soit si efficace pour faire grossir des tumeurs !!

2 commentaires:

Nicolas Renier a dit…

Dans la catégorie des molécules à tout faire, je pense que le calcium détient un record absolu !

C'est un gros problème de la biologie aujourd'hui : on accumule beaucoup de données, et il devient de plus en plus impossible de former des concepts et une vision intégrative de l'ensemble.

A quand le chute du paradigme de la biologie moléculaire ?

Anonyme a dit…

Et la molécule d'eau c'est pas mal non plus !